Reprise collective: Voile Mercator - CDRQ

Reprise collective: Voile Mercator

7 mars8 minutes de lecture

Amoureux de leur école de voile, Voile Mercator, des employées ont décidé que l’entreprise resterait entre bonnes mains: les leurs! 

Au cours des 40 dernières années, Voile Mercator a beaucoup évolué, mais une chose est demeurée constante : l’entreprise a toujours été menée par des passionnés de la voile, du fjord, du fleuve et de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Aussi, quand Jacques et Jean-Michel Hébert, père et fils, ont commencé à songer à vendre en 2016, ils étaient plus qu’heureux de constater que Catherine Parker et Annie Clément, deux de leurs instructrices de voile, voulaient racheter l’entreprise en mode collectif.

« À ce moment, je souhaitais prendre une pause de l’école de voile, mais c’était difficile à cause de la charge de travail. Mais quand Annie et Catherine m’ont dit vouloir reprendre l’entreprise en mode coopératif, j’ai tout de suite voulu embarquer dans le projet aussi. » – Jean-Michel Hébert, membre de la coop

De fait, M. Hébert a siégé sur le CA de Voile Mercator pendant 5 ans. Bien qu’il se soit retiré de la gestion, il demeure membre de la coopérative.

 

La constitution de la coopérative Voile Mercator

Comme les instructeurs de Voile Mercator étaient surtout des travailleurs autonomes, le type de coopérative choisie au départ a été une coopérative de producteurs. Une formule qui s’avère profitable pour les organisations ou travailleurs autonomes qui souhaitent constituer un réseau où l’union fait la force. Quelques années plus tard cependant, comme certains membres souhaitaient devenir employés, l’idée de transformer la coop de producteurs en une coop de solidarité a été privilégiée. La CDRQ a alors accompagné Voile Mercator dans cette transition.

L’objectif de la coop de solidarité ? Fournir du travail à ses membres travailleurs; des biens et des services à ses membres utilisateurs, en l’occurrence des cours de voile, de la location de voilier et des séjours touristiques, et ce, tout en regroupant des personnes et des organisations qui souhaitent simplement soutenir la coop (membres de soutien).

L’entreprise était bien gérée et présentait de bonnes prévisions financières. En reprenant l’entreprise en mode collectif, le groupe avait accès à des sources de financement, comme les parts sociales, des subventions, des prêts. Les risques liés à l’achat étaient aussi partagés par plusieurs personnes. Les 15 membres (instructeurs et propriétaires de voiliers) ont acquis l’entreprise au coût de 70 000$. Chacun a investi 1 000$, et ils ont notamment bénéficié du soutien financier de la SADC.

« À l’époque, j’étais instructrice à Voile Mercator et quand j’ai appris que Jacques et Jean-Michel pensaient s’en départir, il n’était pas question de la laisser aller. On refusait de voir notre école être vendue. » – Catherine Parker, membre fondatrice et directrice de la coop jusqu’en 2021

Connaissant déjà le modèle coop, il était clair pour elle qu’il s’agissait-là du modèle à prioriser. Pourquoi ? Il s’agissait d’un modèle proche des valeurs de l’équipe – solidarité, répartition de la charge, etc. – et aussi parce qu’il s’agit d’un modèle entrepreneurial flexible, humain et très résilient une fois lancé

 

Le défi: trouver un équilibre financier

Ça a pris du temps avant d’arriver à verser des salaires plus intéressants, aux gestionnaires notamment. Trouver un équilibre financier a demandé plusieurs mois, voire quelques années, selon Jean-Michel Hébert.

Les solutions :

  • L’acquisition d’actifs, dans ce cas-ci de voiliers, qui donnent du poids et de la crédibilité auprès notamment de créanciers, et qui sont aisément rentabilisables (bonne utilisation).
  • Investir dans le développement de l’offre et du marketing. « Quand la nouvelle directrice, Isabelle Ouellet, est arrivée, elle a beaucoup travaillé ces aspects et ça a rapidement paru », dit Catherine Parker.

 

Le défi: concilier le rôle de cédant et de membres

Règle générale, il est facilitant qu’un cédant soit aussi membre de la coop, et demeure impliqué. Il aide ainsi au transfert de connaissances et demeure une personne-ressource très utile. « En revanche, lors des négociations de la vente, j’avais les deux rôles, dit Jean-Michel Hébert. J’étais le cédant et j’étais membre de la coop. » Une position qui aurait pu amener un conflit d’intérêts.

Les solutions: 

  • S’en tenir à une position de cédant lors des négociations relatives au transfert.
  • Exclure le cédant lors de discussions pouvant impliquer des conflits d’intérêt (par exemple lorsque le comité provisoire se rencontre afin de négocier le prix d’achat).
  • Établir ou avoir établi un solide lien de confiance entre le cédant et les autres membres.

 

Le défi: mobiliser les nouveaux membres

« Bien expliquer aux nouveaux membres, surtout s’ils n’ont aucune notion du modèle coop, le rôle que chacun occupe, les principes de la coop, les règlements, etc., ça peut être exigeant », avance Jean-Michel Hébert.

Les solutions:

  • Recourir à une tierce partie, impartiale, comme la CDRQ, qui peut apporter des éléments de réponse et éclaircissements aux nouveaux membres.
  • Suivre une formation sur la gouvernance.

 

Les forces de Voile Mercator

  • L’entreprise était bien connue dans la région et dans le milieu de voile, et possédait une excellente réputation
  • Des gestionnaires passionnés et très attachés à l’entreprise
  • Une équipe d’instructeurs et d’instructrices qualifiés et expérimentés
  • Un programme de formation mis régulièrement à jour par Voile Canada et Voile Québec
  • Une faible concurrence

 

L’apport de la CDRQ

Pour les aspects légaux, organisationnels et de gouvernance, les promoteurs ont reçu le soutien de la CDRQ. Alors conseillère en développement coopératif à la CDRQ, Hélène Boily a accompagné Voile Mercator pour la reprise collective.

« Je me souviens qu’à cause de la structure particulière de l’entreprise – des instructeurs, des locateurs de voiliers, aucun employé – on s’est un peu cassé la tête pour savoir comment organiser la coopérative. » – Hélène Boily, CDRQ

Le type de coop choisi a été celle de producteurs. Et une catégorie de membres a été créée, soit les membres locateurs. C’est-à-dire les propriétaires de voiliers qui louaient leurs bateaux à Voile Mercator.

« Ce qu’il y a de bien avec les coopératives, c’est la flexibilité du modèle, explique Hélène Boily. Tout en demeurant bien sûr dans le cadre de la Loi sur les coopératives, il y a moyen d’adapter certaines situations. »

« La SADC du Fjord aussi a été un partenaire important, ajoute Catherine Parker. Elle nous a accordé un prêt, mais nous a surtout challengés. Aussi, on nous a encouragés à acheter un voilier et ce fut une excellente chose. Ce voilier nous appartenait, on le faisait travailler beaucoup et c’était aussi un levier auprès de partenaires puisque cet achat donnait de la valeur à l’entreprise et témoignait de notre sérieux. »

 

La société d’aide au développement des collectivités (SADC)

« Quels sont nos critères d’admissibilité lorsqu’on reçoit des projets? Il doit s’agir d’activités commerciales, donc les coopératives entrent là-dedans, et on regarde le marché, la concurrence, les perspectives, l’expérience des prometteurs, etc. »  – Jérôme Martel, coordonnateur au service financier de la SADC du Fjord  

La SADC ne néglige pas non plus la capacité pour une entreprise de faire face à ses obligations financières. « Pour cela, les prévisions financières doivent être bonnes et réalistes », note M. Martel. Et, bien qu’il ne soit pas personnellement chargé du dossier de Voile Mercator, il connait l’école de voile et sait qu’il s’agissait d’un bon dossier; c’est-à-dire qu’il rassemblait plusieurs facteurs favorables. « À la SADC, ce qu’on regarde aussi, c’est le potentiel de succès et de pérennité d’une entreprise », dit-il.

 

Et demain?

Poursuivre la croissance de l’entreprise, améliorer les conditions de travail des travailleurs et multiplier les engagements sociaux, voilà essentiellement les objectifs que se fixe Voile Mercator pour l’avenir.  « Je suis extrêmement fier de voir où l’entreprise en est aujourd’hui, dit Jean-Michel Hébert. Voile Mercator est plus fort qu’il ne l’a jamais été! »

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