« Ce que plusieurs personnes ignorent est que l’économie sociale est à l’origine du régime universel de santé », explique Martine Vézina, professeure au HEC, experte en gestion d’entreprises collectives. Autrement dit, certaines grandes pratiques sociales proviennent de l’économie sociale, en prenant source dans un besoin de société non comblé.
« L’économie sociale répond à des enjeux de société, dit la spécialiste. Il arrive souvent que le besoin initial ne soit pas très populaire ni marchand, mais la raison d’être de l’économie sociale est avant tout axée sur l’aspect social justement, sur la manière de répondre efficacement à ce besoin. »
Un exemple d’enjeu de société très actuel : le développement durable. « Les entreprises collectives sont souvent en adéquation avec cet enjeu en favorisant l’économie circulaire, par exemple. »
Si elles sont à l’origine d’un besoin non résolu, les entreprises collectives se fondent également sur des aspirations. « Il y a des valeurs derrière ces entreprises », dit Martine Vézina. Des valeurs de partage, de solidarité, d’équité.
Et de grands principes qui en constituent les piliers : la démocratie, c’est-à-dire qu’un membre égale un vote. L’égalité du pouvoir, aussi. « Par exemple, dans une coop de travailleurs, quand un nouveau membre arrive, il a autant de pouvoir qu’un autre qui est là depuis un moment », illustre Mme Vézina.
Enfin, le fait qu’une coopérative soit inappropriable est un autre principe fondamental. « Une coop n’appartient pas à ses membres, mais à la coop, explique la professeure. Elle ne peut pas être vendue. » Un principe qui module évidemment la gestion et la gouvernance de ce type d’entreprise.
La principale raison d’être d’une coop n’est pas de s’enrichir, mais elle possède ce que Martine Vézina appelle une « valeur d’usage ». Une coop en bonne santé, sur tous les plans, signifie une qualité de vie et d’affaires en temps présent, mais aussi pérenne puisque ses fondements dépassent les simples intérêts individuels.
Lorsqu’on parle d’entrepreneuriat, le modèle capitaliste vient souvent en premier en tête. « Ce modèle est acquis et on ne se pose plus trop de questions quant à sa raison d’être, note la professeure. Et ce, même si l’entreprise d’économie sociale est arrivée bien avant! »
L’idée aussi que les coops traînent encore quelques préjugés – ce ne sont pas de vraies entreprises, elles n’attirent que les rêveurs un peu utopiques, etc. – n’aide pas à leur popularité, du moins auprès de certains cercles de gens. Et pourtant. « Les coopératives sont de vraies entreprises, soutenues par des objectifs d’affaires, avec des moyens mis en place et menées par des gens qui doivent avoir un esprit entrepreneurial », soutient Martine Vézina. Des entreprises qui doivent bien souvent répondre à des clients et des salariés, qui gèrent des risques et qui jonglent avec des responsabilités bien concrètes.
Cela dit, il existe un solide réseau d’affaires qui facilitent le démarrage, le développement ou encore le transfert d’entreprises en mode coop. Des appuis bien solides sur lesquels bâtir une économie sociale dynamique et inspirante est vraiment possible. « Et il faut dire aussi que les diverses sources de financement dédiées à l’économie sociale au Québec sont fortement enviées partout ailleurs, ajoute Martine Vézina. Par exemple, le RISQ ou encore le fonds Ampli. »
Il suffit de se tourner vers les différents exemples qui voient le jour depuis quelques années pour être conquis par ces jeunes et moins jeunes entrepreneurs (es) qui sont, oui, sans doute des rêveurs, mais des rêveurs en action!
Coop Alte, une coop d’ingénieurs qui remet l’humain au cœur de l’ingénierie.
Bleu Forêt, une coop de communication responsable, gérée par une gang de femmes très sympathiques!
Distillerie Euclide, une coop basée à Victoriaville qui fabrique d’excellents spiritueux de façon responsable.
Les Bouquinistes, une librairie de Chicoutimi rachetée par des employés qui en ont fait une coop de solidarité.
La Centrale Matanie, espace collaboratif. Située à Matane, cette coop propose la location abordable d’espaces de travail.
Les Jardins de Tessa, une ferme située à Frelighsburg, qui propose des paniers de légumes biologiques.